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28 nov Découvrez l’expérience de mentor Savanturiers au travers l’interview d’Octave Legendre, chargé de projet éducation chez Savanturiers – Ecole de la recherche, et ancien mentor.

Le programme Savanturiers – École de la recherche propose aux professionnels de la recherche de parrainer une classe et d’initier des élèves aux méthodes, concepts et outils de divers champs d’investigation scientifiques en accompagnant un projet de recherche ou d’ingénierie.

Nous avons interviewé Octave Legendre, chargé de projet éducation chez Savanturiers – Ecole de la recherche, ayant auparavant accompagné des projets Savanturiers, pour nous parler du rôle des mentors dans le programme.

 

  • « Pour replacer le contexte, pourrais-tu expliquer ce que sont les Savanturiers et ce que sont les projets Savanturiers ?

 

Le centre de l’action des Savanturiers c’est l’éducation par la recherche. Les Savanturiers visent à amener des projets dans les classes où au lieu d’avoir un enseignement magistral où un enseignant.e ou un.e professeur.e donne la connaissance et les élèves écrivent, les élèves vont se mettre dans une position de chercheurs, position dans laquelle ils vont devoir explorer et co-construire le travail, entre eux, et avec l’aide du professeur. 

Les projets Savanturiers sont des projets de recherche qui concernent un large éventail de thématiques, des sciences humaines et sociales aux sciences de l’univers, en passant par les sciences numériques et technologiques et d’autres encore. 

Les Savanturiers proposent notamment que chaque classe soit accompagnée par un.e professionnel.le de la recherche (ou un.e ingénieur.e) bénévole qu’on appelle “mentor” du projet Savanturiers.

 

  • En quoi consiste le rôle de mentor ?

 

Les enseignants et les professeurs qui rejoignent les Savanturiers pour porter un projet dans leur classe n’ont pas forcément fait de recherche, et parmi ceux qui souhaitent porter des projets scientifiques, ils n’ont pas non plus forcément de formation scientifique. De manière générale, ils n’ont que rarement un champs d’expertise dans le domaine qu’ils souhaitent explorer. 

C’est pourquoi le mentor va les aider dans un premier temps à cadrer le projet en les guidant dans leur questionnement scientifique, en les aidant à préciser leur thématique et à bien problématiser. Puis il va ensuite accompagner l’enseignant et la classe tout au long du projet pour répondre aux questions des élèves, être garant de la méthode scientifique utilisée, et tout simplement interagir avec eux pour créer une émulation. 

 

  • Quel type d’investissement est requis de la part des mentors, notamment en terme de temps ?

 

Il est important de noter que c’est l’enseignant qui porte le projet de la classe. Un projet Savanturiers, c’est au minimum 12 séances d’1h30 dans la classe qui peuvent être réparties différemment, par exemple en 20 séances d’une heure.  Mais un projet peut également s’étendre sur beaucoup plus de séances, tout au long de l’année. En revanche, le mentor, lui, n’a pas d’obligation d’intervenir en classe. Il lui est tout de même possible d’intervenir s’il le souhaite, auquel cas nous ne recommandons pas plus que quelques heures. Par exemple, 5 à 6h représentent déjà un très bon investissement de la part d’un mentor. Son travail va consister à prendre contact  avec l’enseignant, à répondre à ses questions, si possible à avoir une ou plusieurs interaction(s) avec la classe, soit en présentiel, soit à distance via Skype ou en répondant via twitter via des mails etc.

Nous encourageons également les mentors à être présents lors des congrès, qui ont lieu fin mai début juin et sont une des formes de restitution des projets (qui consiste en général en la dernière des 8 étapes proposées pour suivre une démarche de chercheurs) car ce sont des événements privilégiés, de véritables lieux d’échanges qui permettent de découvrir les projets d’autres classes ainsi que ce qu’ont fait d’autres mentors. Mais ce n’est pas toujours possible pour les mentors de se déplacer donc ce n’est pas du tout obligatoire. D’autant plus que nous encourageons aussi d’autres formes de restitution notamment comme les vidéos en 180 sec. 

 

  • Est ce que vous guidez les mentors dans leur investissement ?

 

Nous réalisons un suivi de projet qui consiste à discuter avec les enseignants et les mentors plusieurs fois dans l’année. En décembre, en mars et peu de temps avant les Congrès, nous essayons d’interagir régulièrement. Nous mettons à disposition un vademecum qui existe pour guider la relation enseignants-mentors et nous leur communiquons nos attentes vis-à-vis des mentors, mais ils restent des bénévoles donc l’investissement au sein du projet dépend d’eux, de leurs disponibilités, de leurs contraintes professionnelles et géographiques. Certaines classes se trouvent juste à côté de centres de recherche et de centres industriels auquel cas c’est plus simple car le mentor peut être présent ce qui permet aux projets de progresser plus efficacement puisque l’enseignant et le mentor peuvent se rencontrer physiquement pour discuter. Certains se trouvent à plusieurs centaines de kilomètres et dans ce cas là les interactions se font par mail, ce qui est moins pratique, même si ça a tout de même un impact vis-à-vis des classes.

 

  • En dehors des heures d’interaction avec l’enseignant et/ou la classe, est ce qu’une préparation particulière est requise de la part des mentors ?

 

Premièrement, en terme de connaissances scientifiques, il faut noter que les projets Savanturiers concernent des classes de la maternelle au lycée, et relèvent donc de l’initiation. Les élèves ne font pas avancer la connaissance de l’humanité sur des sujets. Par exemple en tant que mentor, je suis formé en tant qu’ingénieur télécom, et j’ai mené des projets d’informatique et de robotique qui ne sont pas mes champs d’expertise, mais font partie de mon socle de compétences. Puisque j’accompagnais des classes de CM2 c’était largement suffisant. 

 

  • Et est ce que ça demande une certaine préparation au niveau du travail de médiation qu’il y a à faire avec les élèves lors de l’accompagnement d’un projet ?

 

Tous les mentors n’interagissent pas avec des enfants au quotidien donc accompagner une classe demande tout de même une certaine préparation et un temps long de réflexion. C’est un vrai défi d’expliquer ce que l’on fait à des enfants parce que les enfants, ou même des élèves plus âgés peuvent poser des questions assez évidentes sur ce à quoi sert la recherche dans un champs particulier, ce qui, à vulgariser, peut être un défi.

 

  • Toi, qu’as tu pu tirer de ton expérience en tant que mentor? 

 

Personnellement, j’ai été surpris en travaillant avec des CM2 de la pertinence de certaines des questions qui m’ont été posées lorsque nous avons travaillé sur la robotique et notamment sur la place des robots dans la société. J’ai eu des questions vraiment pertinentes, des questions très ouvertes, sociologiques auxquelles je n’avais pas de réponse et qui m’ont obligé à me renseigner moi-même sur des sujets tels que “est ce que les robots sont un facteur de chômage, d’aliénation vis-à-vis du travail?”. Cela m’a permis de me poser des questions que je m’étais peu posées auparavant.

 

Pour ma part, j’ai travaillé dans une grande entreprise industrielle. Dans une entreprise, dans un laboratoire, on travaille avec des traditions et une culture. En ingénierie nous parlons beaucoup de processus, de “process”, de méthodes, etc. Par exemple j’expliquais aux élèves que les ingénieurs aiment découper les tâches en plus petites tâches. On sépare les phases de test, des phases d’idéation et des phases de développement, etc. Et quand il s’agit de vulgariser pour expliquer pourquoi nous travaillons comme ça, on est forcé à prendre du recul sur ce que l’on fait au quotidien. J’apprécie me poser ce genre de questions qui m’ont servi dans mon emploi. En ingénierie nous parlons souvent d’amélioration continue, ce qui consiste à se poser des questions sur ce que l’on fait. En l’expliquant aux élèves, on en vient à se poser des questions comme “Pourquoi est ce que je fais ce que je fais ? N’y a-t-il pas mieux, plus intéressant ?”

 

Et enfin ça m’a fait comprendre que je souhaitais faire de la médiation scientifique mon métier et c’est pour cette raison que je suis passé chez les Savanturiers. 

 

  • Et les élèves, que retirent-ils de leur expérience avec leur mentor ? 

 

Le mentor a comme un “effet star”. Lorsqu’il arrive il est extérieur à la classe ce qui contribue à changer le rythme. Certains mentors organisent des visites, c’est le cas notamment dans la thématique numérique et technologique où nous essayons d’organiser des visites de classe des centres industriels, ce qui est vraiment apprécié des élèves. Rien que le fait de voir des photos des lieux de travail est apprécié, car les élèves ne connaissent pas cet environnement, au delà de ce qu’ils ont pu voir dans les films hollywoodiens, et tout simplement ils ne connaissent pas le quotidien de chercheur. En fait, au delà du projet, ne serait-ce que présenter l’éthique de la recherche, les méthodes de recherche et le quotidien d’un chercheur c’est déjà quelque chose d’énorme pour les élèves. 

 

Il est aussi important de présenter la diversité des métiers. Par exemple en centre industriels nous avons des techniciens, c’est le cas en laboratoire également. Il est important de montrer que le monde de la recherche est beaucoup plus large que les chercheurs. 

 

  • Donc la participation au projets en tant que mentor est ouverte à tout type de personnels de recherche ? Êtes vous également ouverts aux étudiants en stage par exemple ?

 

Au delà des chercheurs, les techniciens sont largement compétents pour accompagner des projets.

Quant aux étudiants, nous n’en avons jamais recruté en tant que mentors mais nous avons déjà eu des étudiants qui ont parrainé des classes sur l’année scolaire entière.

Pour l’instant nous avons majoritairement visé les laboratoires et les entreprises mais avons également travaillé étroitement avec des associations de jeunes chercheurs ou doctorants (cf. FRESCO en neurosciences, APECS sur le climat) et envoyons notre appel à mentors aux universités.

 

  • Concernant la démarche à suivre pour participer, il faut répondre à un appel à mentor. Cet appel à mentor, est-il ouvert toute l’année ? Est-il possible pour les chercheurs qui souhaiteraient participer de se manifester à tout moment de l’année?

 

Nous essayons de lancer le maximum de projets en début d’année mais, par exemple, encore hier j’ai reçu un appel d’un enseignant des Bouches du Rhône qui souhaitait démarrer un projet. Nous avons une communauté éducative d’enseignants et nous cherchons des mentors tout au long de l’année.

En fait les mentors étant bénévoles ils ne sont obligés de rien et il leur est possible de s’inscrire et de rencontrer des classes même s’ils ne souhaitent pas suivre un projet mais s’ils préfèrent simplement répondre à des questions.

Le centre de l’action reste l’accompagnement de classes et d’enseignants mais nous sommes une communauté ce qui permet aussi d’échanger. 

A ce propos, nous organisons un échange privilégié avec les mentors qui ont choisi de participer, qui aura lieu le 2 décembre à 17h sous format webinaire et durant lequel se tiendra une discussion autour des principales questions que se posent les mentors. Nous organisons également une rencontre le jeudi 23 janvier à 18h. Ces réunions sont ouvertes à tous et des futurs mentors sont les bienvenus !

 

  • Les mentors ont-ils la possibilité de choisir la discipline dans laquelle ils souhaitent accompagner un projet ? Peuvent-ils vous demander si il y a une classe qui travaille sur une discipline en particulier qui les intéresse ?

 

Lorsque les mentors s’inscrivent nous leur proposons les projets des classes. Nous leur envoyons la liste des classes qui travaillent sur des projets appartenant à la thématique qu’ils ont choisi en s’inscrivant et nous leur demandons de nous indiquer les projets qui les intéressent. Nous sommes ouverts à ce qu’ils changent de thématique lorsque les projets sont un peu trop éloignés de leur domaine de compétences par exemple.

Nous essayons également d’assortir au mieux les classes et les mentors, afin que chaque projet corresponde un maximum au champs d’expertise de chaque mentor. Par contre les mentors peuvent tout de même être intéressés par des sujets qui ne sont pas leurs sujets d’expertise mais qui sont des sujets qu’ils connaissent par exemple. Cette année, beaucoup de projets portent sur le climat par exemple, le climat au travers du numérique, au travers de l’urbanisme etc., donc certains mentors sont des architectes, qui ont des connaissances en urbanisme, en construction et qui vont parler de climat même s’ils ne travaillent pas spécialement sur des objectifs de développement durable.

 

  • Proposez-vous des évènements ouverts à n’importe qui qui souhaiterait découvrir l’initiative avant de s’engager en tant que mentor ?

 

Oui,  nous organisons une formation initiale d’une journée début octobre tous les ans qui est ouverte à tous pour rencontrer les Savanturiers, les enseignants ambassadeurs et découvrir la démarche.

C’est la journée privilégiée pour les nouveaux arrivants qui ont un nouveau projet Savanturiers. La journée consiste en des conférences sur la démarche d’éducation par la recherche, qui est le centre des actions des Savanturiers. Cette année nous avons organisé un sprint scientifique au cours duquel une dizaine de scientifiques ont présenté leur domaine de recherche justement pour s’ouvrir aux enseignants, leur donner des idées de thèmes et ouvrir le monde de la recherche aux participants. Ensuite l’après-midi ont eu lieu un certain nombre d’ateliers durant lesquels nous travaillions pendant des demies heures sur certains aspects spécifiques des projets Savanturiers, par exemple sur comment bien démarrer un projet, comment organiser la restitution vidéos en 180 sec, etc.”

Pour plus d’informations et pour vous inscrire, rendez-vous ici!