Introduction
Le centrosome est un organite cellulaire fonctionnant comme le principal centre organisateur des microtubules. Il joue un rôle central aux différents stades du cycle cellulaire. En tant que plateforme permettant l’intégration de différentes voies de signalisation, le centrosome est essentiel tout au long du cycle cellulaire pour assurer un bon contrôle de la progression au cours du cycle. Dans des cellules en division, le centrosome est important pour la bonne organisation et orientation du fuseau mitotique. Cette étape est critique pour permettre une bonne division des cellules et un renouvellement contrôlé des cellules souches. Dans des cellules qui ne se divisent plus le centrosome est nécessaire à la formation d’une structure sensorielle, en surface des cellules, appelé cil primaire. Le cil joue un rôle clé lors du développement normal de l’organisme.
Des anomalies de centrosome et de cil ont été observées dans un nombre croissant de pathologies humaines et notamment le cancer, la microcéphalie, ou les ciliopathies. Ces dernières sont des maladies génétiques complexes dont le nom vient du fait que ces maladies ont longtemps été associées à des défauts de cils. Elles sont caractérisées par un ensemble de manifestations cliniques comme par exemple des kystes au niveau des reins, une dégénérescence de la rétine, de la polydactylie, un retard mental ou une obésité. Cependant les mécanismes cellulaires sous-tendant nombre des symptômes cliniques des ciliopathies restent encore à élucider précisément.
Bénédicte Delaval et son équipe cherchent à comprendre comment des défauts cellulaires associés à des défauts de centrosome peuvent participer à l’apparition de ces pathologies. Plus spécifiquement ils cherchent à comprendre le rôle normal et pathologique de protéines connues pour leur rôle au niveau du cil primaire et leur implication dans des pathologies telles que la polykystose rénale ou le cancer.
Réalisations
Les protéines des cils de la machinerie de transport intra-flagellaire ont initialement été identifiées pour leur lien avec la polykystose rénale. L’une d’elle, IFT88, a également été décrite comme étant potentiellement suppresseur de tumeur, ce qui suggère que des voies de signalisation cellulaires communes, qui restent encore à identifier, pourraient contribuer aux deux pathologies.
Alors que la formation de kystes (kystogenèse) est depuis longtemps associée exclusivement à un disfonctionnement des cils, les travaux de Bénédicte Delaval montrent que IFT88 a en fait un rôle mitotique. D’autre part, plusieurs protéines de transport intra-flagellaire interagissent au cours de la mitose et sont localisées à des sites spécifiques dans des cellules mitotiques non ciliées. L’ensemble de ces travaux suggère donc que les protéines des cils peuvent en fait avoir des fonctions indépendantes des cils dans les cellules en division qui sont encore à explorer.
En utilisant des approches de biochimie et de biologie cellulaire dans des cellules en culture associées au poisson-zèbre comme une plateforme in vivo pour étudier les processus cellulaires associés à la morphogénèse des tissus sains et pathologiques, Bénédicte Delaval et son groupe explorent le rôle des protéines des cils et de la machinerie de transport intra-flagellaire dans les cellules en divisions. De ce fait, ils approchent la question de leur implication dans les pathologies sous un angle original.
Le choix du système modèle du poisson-zèbre tient à plusieurs raisons :
1) les embryons de poisson-zèbre sont transparents et se développent à l’extérieur de l’organisme, ce qui permet des observations faciles et détaillées des processus cellulaires en temps réel. Les énormes possibilités d’imagerie font en effet du poisson-zèbre une plateforme idéale pour l’étude de la biologie cellulaire chez un organisme vivant.
2) le développement précoce du poisson-zèbre est extrêmement rapide, ce qui en fait un modèle idéal pour étudier la morphogénèse des tissus et la formation des organes
3) les modèles poisson-zèbre de ciliopathie comme la kystose rénale ou le cancer sont très proches des situations humaines
A. Les fonctions du centrosome dans les cellules en division et non en en division. B. Comparés aux embryons contrôles (a-d), les embryons de poisson-zèbre avec un niveau réduit de Centrin2 (e-h) présentent des traits anatomiques de ciliopathies (e) comme des cystes pronéphriques et des conduits pro-néphriques élargis (f, section transversale comme indiqué par le trait blanc). Au niveau cellulaire, des défauts ciliaires (perte de cils dans le panneau g comparé au panneau c) ainsi que des défauts mitotiques (augmentation des cellules mitotiques dans le panneau h comparé au d) peuvent être observés dans les organes défectueux (tels le canal pro-néphrique ou le tronc) des embryons avec un niveau réduit de centrin2. La courbe du tronc dans l’embryon avec un niveau réduit de centrin est indiquée par une tête de flèche blanche (e, h). Images adaptées de Delaval B. et al Cell cycle 2011. C. Impact des défauts de centrosomes dans les pathologies.
Implications
Dans leur ensemble, les travaux de Bénédicte Delaval peuvent donc révéler de nouvelles voies de signalisation cellulaire contribuant à la formation de kystes bénins et au cancer. De plus, étant donné la facilité des cribles de molécules chez le poisson-zèbre, ces travaux pourraient ouvrir la porte à des approches thérapeutiques pour ces pathologies.