Introduction
La diversité observée dans le monde animal se manifeste pour tous les types de caractères, qu’il s’agisse de leur morphologie, de leur comportement ou leur physiologie. Cette diversité est le produit d’une longue histoire évolutive qui a façonné les organismes vivants en forgeant les caractères qui les composent.
Les travaux de Benjamin Prud’homme et de son équipe visent à élucider les mécanismes sous-jacents à l’évolution des animaux, et plus précisément l’évolution des caractères morphologiques et comportementaux. Pour cela, ils étudient des systèmes qui leur servent de modèles, c’est à dire qu’ils représentent plus qu’eux mêmes et permettent d’aborder expérimentalement des questions fondamentales et générales.
Projets
Benjamin Prud’homme et son équipe étudient plus particulièrement la formation et l’évolution de caractères liés à la reproduction. Ces caractères, qu’ils soient morphologiques ou comportementaux, jouent souvent un rôle essentiel dans le succès évolutif des espèces qui les portent; de plus ces caractères sexuels secondaires évoluent très rapidement entre espèces, ce qui permet de les étudier dans des cadres évolutifs bien défini, entre espèces très proches.
Ils s’intéressent aux caractères de mouches drosophiles, ces petites mouches du fruit, modèles favoris des généticiens depuis plus d’un siècle. Ils étudient plus particulièrement la formation et l’évolution d’un motif pigmentaire présent sur les ailes des mâles de certaines espèces drosophiles, motif pigmentaire que les mâles exposent aux femelles pendant la parade sexuelle. Ils cherchent à comprendre comment ce motif pigmentaire est apparu au cours de l’évolution et à caractériser son rôle dans le succès reproducteur des mâles. Ce système de communication visuel rappelle ceux observés chez de très nombreuses espèces, la plus célèbre étant bien sur le paon et sa fameuse roue qu’il forme en déployant les plumes de sa queue pendant la parade sexuelle.
L’étude d’un motif pigmentaire chez les drosophile leur permet de réaliser une dissection génétique et fonctionnelle très poussée, impossible à effectuer sur des organismes aussi peu étudiés ou difficile à élever que les paons !
Ils cherchent à identifier l’ensemble des gènes qui participent à la formation du motif pigmentaire sur les ailes de drosophile et à comprendre comment ces gènes ont créé des interactions entre eux pour produire une nouveauté morphologique. Ce projet repose sur des approches de génomique fonctionnelle comparative (entre espèces) et la caractérisation fonctionnelle, par ingénierie génomique, des interactions identifiées.
Le mécanisme fondamental qu’ils étudient à travers cet exemple, en soit anecdotique, concerne la régulation de l’expression des gènes et le rôle clé des séquences cis-régulatrices. Leurs travaux ont en effet souligné l’importance des changements fonctionnels dans les séquences cis-régulatrices pour l’évolution de la morphologie. Ils étudient comment ces séquences cis-régulatrices fonctionnent et contribuent à la spécification des caractères morphologiques.
Benjamin Prud’homme et sont équipe étudient par ailleurs un autre comportement reproducteur, à savoir le choix du site de ponte. En effet, les femelles choisissent souvent avec soin le site sur lequel elles vont déposer leur oeufs. La façon dont ce choix est opéré est très mal comprise. La plupart des mouches drosophiles pondent leurs oeufs sur des substrats en décomposition (fruits, ou plantes ou même cactus pour certaines espèces). Au moins une espèce semble se comporter différemment : Drosophila suzukii, une espèce originaire d’Asie du sud-est qui pond ses oeufs sur des fruits en décomposition mais également sur des fruits frais, en particulier de nombreux fruits de culture comme les cerises, les fraises et autres petits fruits rouges. Par ailleurs, Drosophila suzukii, est en train d’envahir le monde. Longtemps confinée à l’Asie, elle a atteint le continent nord Américain et l’Europe depuis la fin des années 2000 et son aire de répartition ne cesses de s’accroitre sur ces deux continents où elle provoque d’important dégâts sur de nombreuses cultures. Cette espèce invasive est un ravageur des fruits pour lequel aucun moyen de lutte efficace n’est actuellement disponible.
Le laboratoire de Benjamin Prud’homme étudie le comportement de ponte de Drosophila suzukii, ainsi que son organe de ponte, l’ovipositeur. Cet ovipositeur est élargi chez Drosophila suzukii par rapport aux autres espèces de drosophile, ce qui lui permet de percer la peau des fruits pour déposer ses oeufs dans la chaire des fruits mûrs.
Il est frappant de constater que plusieurs espèces d’insectes nuisibles pour les récoltes ont adopté les mêmes modifications, avec un allongement de l’ovipositeur et un changement de comportement dans le choix du substrat de ponte. L’étude de l’évolution du comportement et de la morphologie chez Drosophila suzukii, au-delà de nous renseigner sur l’adaptation de cette espèce à une nouvelle niche écologique, pourrait donner des pistes innovantes de lutte biologiques contre diverses espèces nuisibles qui présentent des caractéristiques communes.