Introduction

La mémoire et les émotions sont intrinsèquement liées : les souvenirs associés à des émotions fortes telles que la peur ou le plaisir sont mieux et plus vivements retenus. Cela constitue un avantage adaptatif évident pour éviter les menaces futures et rechercher des récompenses. Toutefois, cette fonction de mémoire peut devenir inadaptée à la suite d’une expérience traumatisante, lorsque des contextes neutres déclenchent le rappel vif de souvenirs traumatisants, comme dans le cas du syndrome de stress post-traumatique (TSPT). Deux des principales structures du cerveau impliquées dans les souvenirs émotionnels sont l’hippocampe et l’amygdale. De manière canonique, on pense que l’hippocampe traite le contexte, tandis que l’amygdale traite la valence émotionnelle. En effet, l’amygdale et l’hippocampe sont tous deux nécessaires pour établir des associations entre une menace et un lieu physique (associations lieu-menace), comme dans le conditionnement contextuel de la peur. Cependant, on sait étonnamment peu de choses sur la physiologie in vivo des interactions entre l’hippocampe et l’amygdale. En particulier, les interactions entre l’amygdale et l’hippocampe ont rarement été étudiées pendant le sommeil, malgré le rôle bien connu du sommeil dans la consolidation de la mémoire (c’est-à-dire le renforcement progressif des souvenirs au fil du temps) et la régulation émotionnelle.

Projets

Dans mon équipe, nous étudions l’activité neurale dans l’hippocampe et l’amygdale pendant le sommeil REM et le sommeil non REM, les deux principaux stades du sommeil. Ces stades du sommeil sont associés à des oscillations canoniques de l’hippocampe qui joueraient un rôle dans la communication à l’échelle du cerveau, et dans les interactions hippocampe-amygdale en particulier. Pendant le sommeil non-REM, l’hippocampe affiche des oscillations rapides appelées « ondulations », qui sont cruciales pour la consolidation de la mémoire spatiale. D’autre part, les oscillations thêta (8hz) sont typiques du sommeil REM. En utilisant une combinaison de manipulations optogénétiques en boucle fermée et d’analyses de corrélation d’ensembles neuronaux à grande échelle enregistrés dans l’hippocampe et l’amygdale de rats dormant librement après un apprentissage aversif, nous voulons comprendre comment les oscillations du sommeil peuvent coordonner l’activité neuronale à travers le réseau hippocampe-amygdale pour soutenir la consolidation des mémoires aversives. Ces connaissances nous aideront à comprendre comment ces processus de consolidation dépendants du sommeil sont affectés dans le TSPT, que nous étudions en parallèle dans des modèles de la maladie chez les rongeurs.

Impact

Le TSPT et l’anxiété généralisée constituent une préoccupation croissante pour la santé publique mondiale, de même qu’une diminution globale de la qualité et de la quantité du sommeil. Il est donc crucial de comprendre les mécanismes fins qui soutiennent le rôle du sommeil dans le traitement des émotions en général (mémoire, régulation émotionnelle) dans des conditions normales et dans des conditions pathologiques. Par exemple, les nouvelles approches thérapeutiques du TSPT incluent le manque de sommeil après un traumatisme. La recherche fondamentale doit être parallèle à ces développements en médecine pour pouvoir affiner les cibles thérapeutiques. Les projets de mon équipe permettront d’approfondir nos connaissances sur les mécanismes neurophysiologiques précis potentiellement affectés chez les patients humains. Sur le long terme, ils permettront ainsi de développer et de mettre en œuvre des stratégies de prévention et de traitement précises axées sur le sommeil dans les troubles anxieux.