Le fait que les organes aient une forme et une organisation spatiale reproductibles implique l’existence de règles physiques dirigeant l’assemblage des structures biologiques complexes. La forme et la fonction des organes dépend de la polarité et de l’architecture cellulaire, qui sont toutes deux supportées par des réseaux de filaments qui constitue le cytosquelette de la cellule. La formation de structures à la géométrie reproductible et contrôlée repose sur des propriétés d’auto-organisation des ces réseaux. Notre but est de comprendre les processus physiques qui sous-tendent ces processus d’auto-organisation du cytosquelette et de formuler des règles dirigeant cette organisation spatiale.
Les filaments d’actine et les microtubules forment des réseaux imbriqués de manière complexe au sein des cellules, et il est difficile d’identifier les principes de leur auto-organisation. Notre raisonnement est que ces principes se manifestent d’une manière reproductible et compréhensible, en réponse à des signaux géométriques définis. Ainsi, pour déterminer ces règles mécaniques et géométriques régissant l’auto-organisation du cytosquelette, nous avons utilisé des micro-outils permettant de contrôler et de manipuler les conditions de frontières spatiales auquelles les réseaux du cytosquelette sont sensibles.
Ces outils nous permettent d’analyser et de quantifier les réseaux d’actine et de microtubules au sein de cellules dont la forme est régulière et contrôlée. En considérant que la complexité des conditions biochimiques intra-cellulaires pourrait partiellement entraver les règles physiques que nous voulons étudier, nous développons aussi des méthodes alternatives afin d’analyser l’auto-organisation du cytosquelette dans des conditions biochimiquement contrôlées in vitro, ce en mixant dans des populations définies, les composants individuels du cytosquelette. Extraits cellulaires et cytoplastes nous permettent de faire le lien entre ces différentes approches. La simplification de l’approche cellulaire (l’approche top-down) et la complexification de l’approche biochimique (l’approche bottom-up) pourraient éventuellement se rencontrer et nous fournir une plateforme expérimentale en continuum pour analyser la physique des réseaux du cytosquelette et de la morphogenèse, depuis les molécules jusqu’aux cellules.
L’actine est une protéine asymétrique qui peut s’auto-assembler pour former des filaments d’actine polarisés. Les filaments d’actine peuvent interagir pour former des réseaux d’actine. Les réseaux d’actine peuvent s’auto-organiser en deux grands types de structure au sein de la cellule : des faisceaux (ou des fibres) faits de longs filaments alignés, et des maillages faits de filaments courts ramifiés et entremêlés. Notre but est de reconstituer des réseaux d’actine in vitro et de chercher à comprendre :
1- Comment la distribution spatiale des agents nucléants d’actine dirige la croissance et l’assemblage des filaments pour former des réseaux géométriques 2D et 3D définis ?
2- Comment les processus de contraction et de désassemblage régulent le renouvellement permanent des réseaux ?
Dans les deux cas nous essayons de relier la dynamique des réseaux à la taille et à la géométrie des réseaux d’actine.
Nous nous intéressons à la régulation de la production des forces mécaniques par le cytosquelette d’actine. En utilisant la microscopie de force de traction nous pouvons précisément quantifier les forces développées sur les adhésions cellule-cellule et cellule-matrice. Nous cherchons à comprendre aussi bien le rôle des protéines associées à l’adhésion cellulaire et aux câbles d’actine, que les effets de la taille du câble d’actine, ou du nombre et de l’organisation spatiale des cellules. Nous nous intéressons aux changements mécaniques associés aux événements morphogénetiques clés comme la transition épithélio-mésenchymateuse.
Tout comme la formation des filaments d’actine provient de l’auto-assemblage de monomères d’actine, la tubuline forme des dimères assymétriques qui peuvent s’auto-assembler en microtubules. En comparaison par rapport aux filaments d’actine, les microtubules sont bien plus rigides. Les microtubules peuvent supporter des forces de compression bien supérieures à celles supportées par les filaments d’actine, mais ne sont pas aussi nombreux que ces derniers. Dans la plupart des cellules animales, le réseau de microtubules forme ce qu’on appelle un aster, dans lequel les microtubules rayonnent depuis le centrosome, le principal centre organisateur des microtubules. Lorsque la cellule se divise, le centrosome est dupliqué et le réseau forme un fuseau mitotique bipolaire. Notre but est d’essayer de comprendre le rôle de la mécanique des microtubules et des protéines associées aux microtubules dans l’établissement de l’architecture des différents réseaux de microtubules au cours de l’interphase et de la mitose (phase de division de la cellule).
Le centrosome tire son nom de sa position géométrique « au centre du soma ». En effet, lors d’observations en culture cellulaire ou au cours de stades développementaux spécifiques, on le retrouve généralement situé au niveau du centre géométrique de la cellule. Ce mécanisme de centration est remarquablement robuste et peut s’adapter aux événements d’adhésions externes asymétriques. Néanmoins, sous certaines conditions bien spécifiques, le centrosome peut perdre sa position centrale et se retrouver localisé en périphérie dans la cellule. C’est notamment le cas dans les cellules quiescentes où le centrosome supporte la croissance du cil cellulaire. Nous cherchons donc à comprendre les mécanismes qui régulent le positionnement du centrosome, au centre de la cellule ou dans sa périphérie. Nous voudrions caractériser en particulier les équilibres de forces agissant sur le centrosome en relation avec les forces mécaniques développées dans les réseaux d’actines et les réseaux de microtubules. Pour ce faire, nous essayons de comprendre les changements mécaniques et géométriques ayant lieu dans les réseaux d’actines et de microtubules au cours de deux événements : la ciliogenèse et la formation des jonctions cellule-cellule, puisque ces deux avènements sont couplés à des changements de positionnement du centrosome.