Introduction
Comment sont codés les souvenirs dans le cerveau ? Comment les différentes formes de mémoire interagissent-elles ? Le principal défi que doit relever les neurobiologistes qui étudient la mémoire est de définir les liens entre les différents niveaux d’organisation du cerveau, en commençant avec les molécules et les cellules, puis les circuits neuronaux, et enfin les fonctions cognitives globales. La force des outils de génétique moléculaire disponibles chez la drosophile, ainsi que les propriétés de son cerveau hautement organisée, en font un modèle de choix pour une telle approche intégrée. Une structure bilatérale faite d’environ 2 000 neurones, le corps pédonculés, joue un rôle central dans l’apprentissage olfactif et la mémoire.
Le laboratoire de Thomas Préat est engagé dans des approches « top-down » et « bottom-up » pour caractériser certains des mécanismes généraux impliqués dans l’apprentissage associatif et la mémorisation.
Projets
Pour étudier les mécanismes de la mémoire aversive, Thomas Préat et son équipe utilisent des protocoles de conditionnement au cours de laquelle la drosophile apprend à associer une odeur à des chocs électriques. Un conditionnement intensif avec un intervalle de repos entre les présentations des stimulus (conditionnement espacé) entraine la formation de la mémoire à long terme (MLT). Après une présentation continue des stimuli (conditionnement massé), une forme différente de mémoire consolidée est générée, la mémoire résistante à l’anesthésie (MRA). Ils étudient également la mémoire appétitive, qui se forme chez des mouches affamées après la présentation d’une molécule odorante et de sucre. Ils poursuivent quatre axes de recherche interconnectés :
1/ dynamique des systèmes de mémoire
2/ analyse comportementale des circuits mnésiques après intervention génétique (activation ou inhibition de circuits neuronaux discrets)
3/ analyse physiologique des circuits mnésiques par imagerie in vivo
4/ mécanismes moléculaires sous-jacents à la mémoire olfactive
Leurs projets actuels portent en particulier sur :
1/ la dynamique de la voie AMPc/PKA dans les différents compartiments des corps pédonculés
2/ les mécanismes par lesquels les neurones dopaminergiques contrôlent la consolidation de la mémoire aversive
3/ le rôle des oscillations des neurones dopaminergiques afférents aux corps pédonculés
4/ les mécanismes moléculaires sous-jacents à la MRA
5/ la plasticité des circuits cérébraux impliqués dans le rappel mnésique aversif
6/ la caractérisation des circuits impliqués dans le rappel de la mémoire olfactive appétitive
7/ la dynamique des phases de mémoire appétitive
En parallèle à leur étude des mécanismes de la mémoire olfactive, Thomas Préat et son équipe utilisent la drosophile pour étudier certains aspects de la maladie d’Alzheimer (MA), une pathologie neurodégénérative progressive qui se manifeste d’abord par un déclin de la mémoire. Il est admis que la protéolyse de la protéine précurseur amyloïde (APP) joue un rôle central dans la pathologie, mais on connait peu de choses sur la fonction physiologique de cette protéine et de ses dérivés dans le cerveau adulte. Ils étudient chez la drosophile le rôle de l’AAPL, orthologue d’APP. Ils ont ainsi montré qu’une perte de fonction partielle d’APPL dans les corps pédonculés conduit à un défaut de MLT (Goguel et al. 2011). Ces données soutiennent l’idée selon laquelle une perturbation de la fonction normale d’APP pourrait contribuer au déficit cognitif précoce observé dans la MA. A l’heure actuelle ils analysent plus en détail l’implication physiologique de la protéine APPL dans la mémorisation, et étudions en particulier l’interaction de cette voie avec les peptides amyloïdes.